. Plus de six mois sans faire le
trajet Lyon-Rennes, c’est long. J’ai fait d’autres voyages depuis l’été
dernier, j’ai traversé la France à plusieurs reprises, j’ai vu mes parents
ailleurs et à d’autres occasions que pendant des vacances en Bretagne (pas
joyeuse en septembre ; plus heureuse, à Londres, en octobre ;
quelques jours en Allemagne pour Noël). Au-delà de leur présence à eux,
pourtant, il y avait aussi la maison, le coin de campagne perdu au milieu de la
Bretagne, et les souvenirs rattachés à chaque endroit qui me manquaient, qui
appelaient la construction d’autres moments, d’autres instants volés à garder
dans un coin de ma tête pour les jours de coup de blues, pour les périodes de
doutes et de remises en question. Début janvier, les quelques jours passés tous
ensemble à AK défilant une fois de plus beaucoup trop vite, j’ai acheté des
billets pour faire un aller-retour, mais j’ai décidé de poser ma valise pour un
peu plus longtemps que d’habitude, un peu plus longtemps que « pas
assez » de jours.
. En arrivant, un vendredi
après-midi, après 4h30 dans un wagon qui comptait beaucoup trop d’enfants à mon
goût, je n’avais que trois impératifs, ce qui me semblait raisonnable pour
douze jours : voir l’océan, manger des crêpes & des galettes, et
profiter de la campagne pour reprendre sérieusement la course, objectif
semi-marathon oblige. Non, les deux derniers points ne sont pas contradictoires
ou incompatibles. J’ai fait plein de choses très chouettes, j’ai été
chouchoutée, je me suis reposée, j’ai écouté Papa et Maman me parler de leurs
projets de travaux et d’agrandissement, j’ai enchaîné les kilomètres en baskets
au milieu de nulle part, sans croiser personne (ou presque), j'ai apprécié ces quelques jours de février, même s'il n'y avait - évidemment - pas d'hortensias à admirer, j’ai mangé des galettes avant d’aller voir une belle exposition consacrée à Lorenzo Mattotti à
Landerneau. Après cette expo, je
voulais qu’on s’arrête, quelque part en route, au bord de l’océan, mais c’était
le déluge (Ou plutôt, « Quel beau temps ! s’écria McCookies »).
.
Et puis un jour de grand beau
temps (ça arrive, oui !), même s’il faisait bien froid, on s’est dit que
c’était maintenant qu’il fallait y aller, et on a filé à La Trinité. La rue qui
donne sur le port est un peu défigurée par toutes les boutiques de gourmandises
et de fringues qui s’y sont installées, mais quand on prend les petites rues,
il y a plein de jolies maisons en pierre, aux volets bleus, et c’est mignon
comme tout.
.
On
a continué notre petit circuit en filant à Carnac, pour marcher sur la plage,
et ça m’a fait un bien fou. J’ai pensé à ce prof de voile, qui nous rappelait
tous les mercredi, sans exception, au moment où on passait l’isthme de Penthièvre, avant d'arriver au Pouliguen,
de savourer : « Maintenant, dites-vous que certains prennent le métro
tous les matins et s’enferment sous terre, quand vous pouvez voir ça au moins
une fois par semaine ! », et ça m’a manqué, de voir ça une fois par
semaine, alors j’en ai profité autant que j’ai pu. Et j’ai pensé à mes frères
et mes cousins, je les ai imaginés disant, ou plutôt criant « On va voir
la meeeer ! » quand ils disaient au revoir à Papy et Mamie. Alors
j’ai eu une pensée pour eux deux, aussi, même si les souvenirs sont de plus en
plus flous, de plus en plus difficiles à convoquer et rassembler. Pourtant,
j’étais heureuse d’être là, et Maman a fait quelques photos de mes sauts de
joie. À cette période, les maisons de Carnac sont quasiment toutes fermées, et
c’est un peu triste de savoir qu’il y a de si chouettes endroits dont personne
ne profite, parce que les propriétaires sont trop occupés à bosser ailleurs
… On est passé par les alignements, qui m’intriguent toujours autant, on
a vu Saint-Goustan de loin, on a pris la route que j’adore prendre en été - quand
on a mis les affaires de plage dans le coffre, qu’on a enfilé nos maillots de
bain, et qu’on va plonger dans l’eau qui est toujours à la bonne température -
et on a retrouvé la maison.
. Mes trois impératifs étaient
remplis, même si je n’avais pas pu tremper mes orteils dans l’eau glacée,
j’avais au moins vu la mer et respiré l’air salé. C’est ce que j’ai essayé de
me répéter en boucle, pour ne pas pleurer, dans le train qui me ramenait à Lyon, au milieu d'un wagon où il
y avait - pire que des enfants heureux d’être en vacances – des adultes en
déplacement professionnel qui parlent beaucoup trop fort et se croient seuls au
monde, alors que j’aurais aimé rester encore. Parce que même plus longtemps que
« pas assez » de jours, c’est toujours beaucoup trop court.
(Bretagne - du dix-neuf février au premier mars deux mille seize)